J’aimerais prendre le large. Partir en barque, siffler le capitaine d’un rire maniaque et décéder dans ma pénurie, mon avarie sociale. Qu’on hurle de pitié d’un sourire affecté à vous glacer : je le mérite. La mort aussi serait incisive et j’espère une tempête en pleine mer, que ça gueule des roulis d’eau, des vagues géantes, à la manière d’un de ces tableaux expressionnistes : mais l’effroi est d’autant plus – dix mille fois plus – anéantissant dans la réalité que j’envisage. J’aimerais par ailleurs échouer quelque part des mois après la dérive.
Au préalable j’envisage une nuit à la belle étoile dans une palette en noir et blanc, avec une sorte de rétrospective de mes quelques attaches pour consolation. Dormir si cela est possible, m’endormir les joues mouillées dans l’odeur du varech d’hiver, à l’aise dans un sac de couchage malgré la gêne des galets. Au petit matin je prendrais la barque solitaire.
Espérons un peu pour le grand départ, ce sera le chant de l’immensité et du petit moi réduit à rien. Les grelots de la folie, l’angoisse, l’eau de mer. Réduit jusqu’à outrance. L’ivrogne et la mer. Au large, au bout de la mer. Viendrons l’apogée et le combat au grand jour, dépouillés de tout, seuls avec la mer. Viendrons les larmes, l’impitoyable cohorte d’eau.
Le cri aussi.