Une chambre en Roumanie

Une embrasure porte sur le dehors. La chambre est petite, en pierre, en bois, l’extérieur est luxuriant, enguirlandé de feuillages, avec cette hégémonie de culture, de sensations combinées qui l’ont formée. Tout est si brut, premier, illimité. Un crucifix au-dessus du lit : on dirait une genèse. Le Christ oriente son souffle vers la chambre et l’embrasure – à laquelle il tourne le dos.

C’est un été en Roumanie. Une bonne m’a servi le petit déjeuner il y a une demie heure, je suis à nouveau dans ma chambre, je la pense mienne. J’apprécie la distance et les chaînes de montagne qui m’ont reclus ici. Je suis près des miens également : je suis dans la proximité du bonheur voilà, il ne s’apprécie jamais tout à fait seul.

L’ici, le lointain. La chambre est composée d’un rêve ancien qui fut tout à fait réel : le lit épais, haut, d’un bois sombre et craquant, couvert de draps blancs, la chambre elle-même couverte de poutres apparentes : squelette d’une âme puissante, ventre d’une baleine échouée. La vallée, ses arbres, ses troncs et ramures gonflées de touffes vertes jouent en profondeur avec la chambre.

La table de nuit, l’armoire en bois laqué, tout est d’une matière connue, pourtant tout est condamné. Les terres de Nosferatu, les chants de l’est, cet ancien monde, ce film en noir et blanc impur, les bois flottants, toutes les solutions à la frustration de l’âge moderne. Tout se perdra, cruel.

 

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