Moi j’avais la lèvre inférieure pendante, femme
Je n’étais pas une marionnette ou un hameçon
J’étais homme-Dieu
J’étais aimé de Dieu mon père, femme
J’avais un soleil tellement fort
Une vigne tellement forte
Une âme tellement forte
Que même les fourmis me suppliaient
Il n’y avait pas jusqu’au grillon qui m’encensait
J’étais un Dieu et j’étais Orphée
La nature réagissait par son plus puissant tribut
J’étais tributaire du monde
J’étais le halo spectaculaire
Que toutes les âmes s’efforçaient de reconnaître
Mon pays allait bien, ma nation était reconnaissante
Les âmes spirituelles n’étaient pas un réduit
Où quelques faibles les ont confinées
Orphée était habité, Orphée était Dieu
Plus qu’une nation poétique
Réduite à l’abandon de la poésie
Car la poésie était déesse, et les âmes l’adoraient
Quelques cerveaux bien étroits ont fait d’une chose changeante
D’une chose mouvante, la science
Le terreau du corps et la fin de l’âme
Dès lors les philosophies se sont effondrées
On s’est empressé de les détourner
On a fait de l’âme ce qu’une furie a fait du corps d’Orphée
On a menti sur les textes
On a trafiqué des vérités
Car on ne croyait plus qu’au corps
Appuyé par de fausses doctrines, et l’empressement
A goûter à des vignes mortes
Dont le sang a arrêté de couler à la bouche des lépreux
Des loqueteux de l’âme
Plus aucun d’entre eux, ni des tenants, ni des pauvres aboutissants
N’a jamais goûté encore au véritable sang
A la vigne qui coulait avec majesté
Sur les coteaux de nos pays
Les aboutissants n’y pouvaient rien, on avait ouvert la voie
A une route plus étroite encore
Que le dernier filon d’une source asséchée
Les tenants avaient la panse tellement forte
Qu’elle menaçait d’inonder le monde de ses vieilles viscères
Personne n’a plus goûté au fruit, ni à rien
Ni même à l’air des coteaux
Au sourire de la vigne
Mais à leur tissu virtuel
D’une fausse divinité, d’une pauvre science.