EROS

Tu pisses dans la forêt et tu dis
Que la poésie est toujours érotique
Que l’éros est ce tas de boue et d’urine
Et que rien d’autre que l’éros
N’anime les ventres des nuits
Les ventres déprimés du jour
Où suffoque la lente macération des nerfs
Les feuilles moisies qui seules indiquent
Le chemin du pèlerin

L’éros seul attribut du grésil fichu qui tombe
L’éros seul parent du sous-bois trempé
Où des soldats firent leur corvée
La peur et la puanteur de leurs morts
Des pantalons de toiles fichus
Où saignaient les blessures de guerre
Et les ronces salées qui ouvraient les gerçures

Cela n’est plus qu’un long amas de feuilles
Au bord d’un étang glacé
Le froid seul, révèle les esprits figés
Toute pensée à vrai dire, toute incarnation
Ont déserté cette orée où tu pisses
Il n’y pas d’éros non plus dans le sang qui circule
Et les cigarettes que tu roules

Recueillir l’amas de feuilles
La boue prégnante et sa couleur
Faire de sa fichue tristesse l’élément du grésil
L’éros est au-dessous dans la masse argileuse
Où se contorsionnent les vers aveugles
L’éros est là où on ne voit pas
Tout comme le Christ est invisible

L’éros est là, flanqué, mangé, macéré
Consommé par la boue de l’histoire
Et par l’intemporalité de la glaise
L’homme qui a passé par les chemins
L’homme qui a saigné sur la croix
Trouve-t-il un refuge où il n’y en a pas
Où rien ne s’affiche d’hospitalier
Où les oiseaux mêmes, tombent d’ennui
Sur les bords des souches décharnées

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