J’ai perdu la raison.
Elle nage dans une sphère, qui ne peut être démêlée. Quand je dis une sphère, je parle d’indépendance, de ponts coupés, d’une véritable brisure. C’est un sphinx, un long et sinueux sphinx, vainqueur du temps, sujet au vent et au sable.
Mais cette raison perdue, elle n’est pas dans les déserts, elle est dans la beauté et la laideur de la ville. Des caniveaux aux esplanades, des bâtiments modernes aux déchets qui leur collent à la base. Cette raison perdue est un sac en plastique, son héritier le plus noble, le plus sujet à la modernité.
Elle a besoin, cette raison qui nage, perdue ou pas, de bière et de ces nappes, de bonheur. Le bonheur dont elle a besoin, c’est la force granitique et sablonneuse d’une pensée tue, c’est la vérité du silence, la confiance dans les simples bruits citadins, la beauté de ce mécanisme qui se déroule, recherché, affiné par le nombre de passants et de passantes qui lentement, se sont accumulés dans cette même raison, et lui ont fait un logis.
Cela est sûrement banal, car cela ne recèle pas l’exacte présence, l’exact bruit ou l’exactitude de n’importe quel autre sens qui en fin de compte sont la seule chose qui a pu nous constituer. Ce n’est là qu’un échafaudage abstrait, muni de quelques adjectifs qui désignent bien peu cette exactitude.
Mais le temps s’est fait, l’expérience a mué, et je vous laisse le choix de faire d’un tableau résigné par la nuit, la fatigue et l’âge, le terrain, le tremplin d’une existence entière, débarrassée de toute gravité, peuplée de ce seul néant, ce seul logis qui est venu s’y nouer confortablement, comme un chien auprès de son maitre.