CE 21 OCTOBRE
Aujourd’hui je sens que le monde est ouvert
Je ne sais pas pourquoi
J’ai continué la lecture d’un roman, d’un essai, d’une revue
Dehors il y avait une manifestation, près de l’Etoile
Des syndicats défendaient les salariés d’un hôtel de luxe
Ce n’était pas une contestation stérile
Ce n’était pas une lutte perdue d’avance
Les manifestants ne remuaient pas une chimère
Une cause inconséquente et vague
Une inadéquation au temps
Ce faible bruit disait quelque chose de précis
Dont on pouvait détourner la voix, la faire porter
Sur d’autres causes enfouies, sur des strates d’histoires
Des magmas turbulents de la création à nos jours
Ce doit être de la lassitude et de l’orgueil
Tout ce qui fait la rêverie en somme
Tout ce qui pousse à rester chez soi
A espérer que l’on ne nous y délogera pas
Si ce n’est par cette rumeur vivante
Ce n’est pourtant pas qu’une rêverie
C’est une sorte d’anticipation
La conscience précise de ce qui se joue
Au travers d’une plainte insignifiante
La conscience de ce qui se jouera à l’avenir
Je l’ai dit c’est de l’orgueil
J’ai tout su dès l’instant où je me suis levé
J’ai su qu’il allait se jouer une prémisse
Une parenthèse où les choses se préciseront
Les consciences réunies en une exacte solitude
L’exacte solitude éclatée par les voix du dehors
Je ne dirai pas quels étaient les enjeux
Car cela n’a aucune importance
Tout le monde le sait à peu près
Tout le monde vit le même temps
Tout le monde se déchire pour cette raison
Et malgré le jour clément
L’atmosphère, l’ozone n’y peuvent rien
Les gens se déchireront
Entre familles
Familles contre familles
Partis contre partis
Même parti contre même parti
Jusqu’à l’ossature
Jusqu’à la plus profonde vertèbre
Et la plus profonde moelle
Où tout est identique, indifférent
Calme, insensible