Ainsi je les emmerde, j’ai avalé deux tablettes de Tercian et trois tablettes de Zyprexa, tout ce que j’avais, j’ai à peine arrondi. Je me couche, je leur dis d’aller se faire foutre, je prouve, j’espère, ce que je vaux, l’amour que j’ai eu en moi, peut-être qu’ils cacheront l’affaire, ou qu’ils mourront, tous, on verra, cette pensée en suspens me laisse à mes rêveries, je me couche, c’est la nuit tombée depuis une ou deux heures, la petite fenêtre est ouverte – j’aime à dire la petite en souvenir de celle de mon premier appartement, qui m’apportait les bruits du monde, alors que celle-ci est grande, en vérité. Les lieux se mélangent, le temps aussi, les mouvements, les nappes de nuit presque tangibles, et douces. C’est une douceur comme j’aimais la percevoir, une douceur grave, habitée de démons crémeux. Etonnement, et hors de tous clichés – je vous assure que c’est vrai, je n’y peux rien – des cloches se mettent à sonner. Je m’imagine Notre Dame, je me souviens qu’il était question d’installer de nouvelles cloches, fondues à l’ancienne, dans les règles de l’art, pour son huit cent cinquantième anniversaire. Et que l’inauguration aurait lieu fin mars, que ces cloches retentiraient pour la première fois, une première série de tintements qui en annonceraient des millions d’autres et qui verraient probablement la fin du monde, cette fois ci pour de vrai. Cela m’apporte un goût d’éternité. Comme une justice qui retentit, s’efface, ou un drame qui s’allonge et se tient délicatement au creux de ces cloches d’une nouvelle ère.