Ce qui me mine tant, c’est cette interminable remise à zéro des compteurs, cet accablement d’une perte subite de la totalité de ce que je suis, de tous mes efforts accumulés en vain et aussitôt anéantis.
Si l’on prend en compte que l’homme du commun se défend de l’absurdité de sa vie, alors toute philosophie, tout combat devient une perte de temps, une pure inutilité. Ce qu’il reste ? La bêtise et la conscience permanente du profit à tirer, c’est à dire, une fois de plus, la bêtise.
La poésie est une concession faite à la beauté du monde, or tout le monde sait que son caractère de finitude, maladif, son air dangereux est une porte ouverte à l’angoisse. La poésie est donc une concession faite à l’angoisse et la folie (son risque) mais elle ne renonce pas à sa beauté intrinsèque, elle est peut-être justement le remède à la beauté.