Je ne pense pas qu’une guerre changera grand-chose à l’ordre des choses. Les uns colmatent leurs angoisses avec des tissus de fer, les autres font des tissus de masse et certain des objets de subversion. Toujours la quantité de ces tissus et de ces métaux sont en sursis. Ils n’ont aucune autre utilité que de marquer une fonction qui est vouée à disparaitre, et creuser un peu le lit des nations, jusqu’à l’épuisement.
Tout est particulièrement épuisé, comme les ressources, la fatigue amère et les tranches de ce sommeil et cette vapeur luisent dans les esprits de tous, les sommeils qui approchent sont les plus nerveux qui soient. Ils nous auscultent puis font de nous des machines de nerfs tellement stupides que les sentiments de la plupart penchent vers ce vide nerveux où le sens est une électricité, un mécanisme d’insectes. Dans cette fausse à insectes, les gens pullulent et leurs coriaces mandibules se choquent les uns les autres, jusqu’à ce que le poison soit diffus dans l’air, et à ce point que tous s’empoisonnent et se menacent. Mais ils ont une trêve : la contamination, et l’immunisation contre leurs angoisses.
C’est précisément là le principe d’une guerre, quand les machines sont bien huilées, que tout est clair pour tous, il faut passer à l’attaque, sinon à quoi bon avoir perdu ce précieux temps au pris de toute une vie, de tous son charme, sa beauté et sa langueur. Il va falloir maintenant user le canon et faire du feu du soufre l’arme balbutiante du souffle, de la destruction plus vaine encore qu’une mégalopole dans un désert.
Combattre n’est plus dans l’air du temps, mais bâtir du fer et des instruments de précision est le meilleur stimulant. Il engrange une force qui correspond à la dévastation des hommes et à une certaine lâcheté. Tout cela en somme, n’est qu’un sinistre bâillement, passif agressif, une sinistre revanche sur la mollesse. Et ce bâillement pourtant plus mou encore, le plus mou qui soit, avale la quantité du monde, ses insectes, son vent solaire, ses petites impressions qu’on avait au bord des chemins, des quais et cet air du soir revivifiant, ce grand sentiment qui nageait et berçait les têtes, le lieu du bonheur et de la jeunesse, le lieu disons où les mesquineries mêmes étaient belles, où l’on pouvait envisager un monde assez vaste, un seul temps, pour pouvoir se distraite tout en restant fort. Cela est avalé, la musique est devenue l’art particulièrement en berne de nos jours, elle ne produit plus de réel.
Ce bâillement sera le feu et le souffle neurasthénique qui ensevelira ces joyaux, ces sentiments fugaces qui faisaient le piédestal du monde.