Premiers textes

PREMIERS TEXTES

 

(PORTER LE MONDE)

 

Je poursuivais une chose d’une telle clarté qu’il m’était impossible de la nommer (était-ce le soleil ?), je la serrais très fort, j’étais son fils et son élève dont les nerfs enflammés, adoucis m’irradiaient vers l’ignorance, le bain de soleil. Le monde s’évaporait sous l’influence de cette chose, la terre murmurait ses montées de sève, les feuillages s’adressaient à moi, pourquoi ne me reste-il que son poids insurmontable ?

 

L’ascète ajoute à son manque toute la coloration et la nourriture qu’il prend à la volée, à tel point qu’il est repu de ce vide qui le constitue. Il fixe ses yeux sur le ceinturon du grand despote, l’ogre qui nous affame. Il le désarçonne avec ces mêmes pupilles et le réduit en un simple confetti. La tentation qu’il apporte devient un jeu. Il voit un feu qui l’a brûlé par ses soins, un bel horizon.

 

Les journées sont bien trop longues pour être vécues, dormons, goinfrons nous de sommeil comme un dieu égaré et partons. Dormons, qu’on n’en parle plus, que la boucle se referme et se perde, rêves labyrinthiques. Le cri des heures allongées porte bien plus qu’un nerf tendu par le soleil, c’est une chouette qui renoue avec la chose infime et appareille. La chose plongée dans l’obscurité.

 

Je sens tes coteaux et tes versants comme une simple lueur sur une feuille, concentrer tout le bien qui se répand, se répercute dans cette vallée joyeuse. Tu files un coton qui m’embaume et me noircit, me verdit par l’oracle de tes lumières et s’en va presser un pas ailleurs. Je me fige alors dans ta toile. C’est une semi-fièvre à présent, j’ai pris tout le bien de ces rivages agonisants, j’en ai fait toute une vie, tu serpentes. C’est un psaume à vrai dire qui monte, va au-dessus, tout au-dessus, nage dans une flamme qui aspire, jusqu’aux feux de la stratosphère, près d’un espace vide mais sans le toucher.

 

Certains savent doser la teneur en brûlures, l’exact danger du feu or j’ai brûlé de manière trop indécise la matière qui m’y a porté. Cette plaie ressasse sa douleur première dès qu’elle sent sa venue potentielle et alors même qu’elle est imperceptible. Son pressentiment est halluciné et pourtant, elle ne s’y trompe pas et les destins perçus à la volée ne se démentent jamais. Il s’agit peut-être d’une obsession qui tire des conclusions hâtives, un degré de folie propre à chaque fou. Or l’on sait que le fou est le dernier à ignorer.

 

Une fois j’ai senti un peu trop fort le sel des apparences. Elles sont devenues un délire. Il se fait depuis qu’une chose objectivement belle ne me fait plus rien, que je ne sonde que ce qui peut se dissimuler derrière cette nature lassante. Je cherche une beauté nocturne et j’obtiens le simple hululement d’une chouette qui pose son réconfort sur mes épaules fatiguées.

 

J’ai parlé de ces poches d’air une fois que j’ai créées et qui sont la résultante de ces autres sens, les sens parallèles, ce qui en font un peu trop et croient déceler une autre voie possible derrière une simple voie ferrée. Or depuis je ne saisis plus rien à la vérité première des choses, on m’accuse d’être idiot, c’est peut-être ça, comment ai-je pu voir un champ entier derrière un simple épi de blé coincé dans la chaussée ? Ces poches sont parfois si froides.

 

Je n’ai besoin que d’un lit. Mes rêves s’occupent du reste. Je vis en parfaite autarcie avec eux. Ils comblent mes manques, mes frustrations, mes détresses. La nuit dernière j’ai fait un rêve plus pénétrant qu’une balle de diamant et cette nuit s’annonce riche en batailles. Contre quoi je me bats, c’est une vieille histoire.

 

2005 / 2006

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