Claire Ceira

Rêve des rosiers sous l’eau

par claire le 29 août, 2013

C’est une institution qui reçoit des enfants, avec une équipe de jeunes femmes gentilles et gaies, dont je suis responsable. Les parents amènent leurs enfants dans une première pièce, vitrée dans sa partie supérieure, et toute blanche. Un père accompagne son fils, il est très inquiet et veut s’occuper de tout, il est un peu irritant (mais je me dis que je peux le comprendre).

Il y a une autre très grande pièce, qui est aussi un jardin, et dont étrangement une partie est engloutie sous l’eau ; mais c’est plutôt comme si l’espace était divisé verticalement, moitié aérien d’un côté, moitié aquatique de l’autre, la limite qui les sépare est indistincte, progressive. Les rosiers le supportent très bien, on voit leurs roses de toutes les couleurs, modifiées par la transparence vert jade de l’eau, avec leurs pétales enroulés.
Dans la troisième pièce, le dortoir des bébés, sont installés à mi-hauteur des murs, dans un renfoncement, une série d’aquariums, dont l’un est beaucoup plus grand que les autres. Ils sont à sec, remplis de débris de plantes. Je dis aux jeunes femmes que ça ne fait pas bon effet, c’est un peu comme ces services chroniques d’hôpitaux qui sont dans l’immobilité, à moitié morts. Et puis pour les bébés c’est bien de voir des poissons qui bougent, leurs mouvements les intéressent, ils ne s’ennuient pas.
Je décide de nettoyer les aquariums, un des enfants du Centre veut m’aider, un petit garçon brun, très débrouillard, mais je refuse car je me dis que les aquariums pourraient se casser et il pourrait gravement se couper à ce verre lourd et tranchant.
Dans un coin du jardin se trouve aussi une sorte de mare trouble, dans laquelle on voit nager des animaux difficiles à identifier, un peu effrayants, blancs.
Dans le ciel au dessus, apparaît brusquement un aigle, qui rattrape au vol un autre oiseau et le saisit….mais quand il passe, on voit entre ses serres un petit hérisson encore vivant, dont ne dépassent que le museau pointu et les yeux brillants. Il n’a aucun moyen d’exprimer les émotions qu’il ressent, et c’est ce qui me semble le plus terrible, qui me saisit de pitié.

où vivent les enfants ?
ceux du premier âge
ceux qui sont confiés
et les grands
– entre maison et jardin.

l’eau de l’enfance
baigne toutes choses
autour d’eux, et leurs couleurs
nous les voyons aussi.

nos soins
centrés par leur fragilité
parce que leur douleur est un stylet
qui nous transperce

et derrière eux marchant
à leur pas
nous buvons le vin nouveau de leur treille
ces raisins qu’ils écrasent dans leurs mains
tendues et charnues comme des fleurs.

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