Claire Ceira

rêve des horaires illisibles

par claire le 23 septembre, 2013

Je suis dans une sorte de camp d’adolescents, ou d’enfants. J’y ai été accueillie moi-même autrefois, maintenant je fais partie de l’équipe des moniteurs. Je me sens chez moi dans cet endroit, à cause de tous les étés que j’y ai passé, depuis tant d’années.
Je range des vêtements, dans un grand dortoir désert au plafond très bas et je vois entrer par la porte du fond le directeur, un homme jeune qui tient un seau et une serpillière. Il vient vers moi et aimablement mais fermement commence à me faire des reproches :  » Tu te conduis encore comme si tu faisais partie des enfants. Tout le monde ici participe aux frais, met un billet de 20 euros dans le pot commun de temps à autre, mais toi tu ne le fais jamais ». Effectivement l’idée ne m’en a même pas traversé l’esprit puisque j’y travaille, mais je suis très gênée. Dès qu’il est sorti je me dépêche d’aller mettre de l’argent, mais j’ai l’impression que tout le monde m’a jugée depuis longtemps sans rien me dire. Mon sentiment d’avoir ma place dans le groupe des adultes a disparu, et je n’ai qu’une envie : partir.
Le rêve change de lieu : je suis dans une grande maison familiale, je dois prendre le train pour rejoindre, avant le lendemain matin, un autre camp qui se trouve dans les montagnes, un endroit connu pour son fromage et ses pâturages. La beauté célèbre de l’endroit m’attire, mais je n’ai plus aucune envie de travailler avec ces gens. Pourtant il le faut, je ne peux pas les laisser avec une équipe réduite les premiers jours, ceux où on installe et organise tout.
On me conduit à la gare. C’est difficile de trouver une place pour la voiture, alors je descends pour aller prendre les billets, deux personnes de ma famille doivent m’accompagner. La gare est ancienne et tout est vieillot à l’intérieur, les horloges, les quais, les panneaux d’affichages mécaniques, compliqués et incompréhensibles. Nous devons prendre un train pour Toulouse (ou pour l’Espagne ?). Je prends des fiches horaires, mais les caractères sont si petits que je n’arrive pas à les lire. Je les tends au conducteur de la voiture qui m’a rejoint, lui non plus n’y voit rien. Deux employés sont aux guichets mais parlent entre eux et quand je viens leur demander des renseignements ils ne me regardent même pas. Péniblement, je déchiffre les fiches. C’est exactement l’heure du dernier train, alors je me précipite et il démarre. Je cherche des yeux sur le quai ceux qui m’accompagnaient, je ne les vois plus……comment descendre maintenant ? Et je réalise que ce n’est pas dans cette direction mais dans les Alpes que je dois aller. Je ne pourrai plus y être à temps.

J’ai réussi à descendre, je marche sur le quai, j’attends le bon train. Le temps est couvert, pas d’ombre, tout semble sans relief sous le ciel blanc. Plus loin, il n’y a plus de quai, on peut s’asseoir le long du grillage. Et plus loin encore, le long des voies, se trouvent des petits groupes de femmes, accompagnées d’hommes mauvais, qui cherchent à les vendre comme prostituées – des femmes africaines. Ces hommes me font peur mais je vais quand même leur parler, je me dis qu’on ne peut pas leur laisser croire que personne ne voit rien. Je me moque : « alors, ça marche votre petit commerce ? ». Ils ne réagissent pas.
Je remarque surtout une femme grande et musclée, sa peau semble frottée de cendres. Elle a la tête baissée, on a relevé ses cheveux frisés pour découvrir, sur sa nuque, sa vulve noire offerte aux regards. Elle est parfaitement immobile, le visage invisible, dénudée et honteusement silencieuse devant tous.

Tu fais comme si le temps ne passait pas
comme s’il pouvait s’enrouler –
tu campes dans ton adolescence éternelle,
sa douce naïveté qui ne doit rien, non rien à personne

or quelque chose se coince presque toujours
dans tes glissements,
la réalité ne se laisse pas séduire
l’horloge chantonne
planant dans une lumière de passé
où personne n’est là.

……courant toujours, coupable et bête
après le juste train
tu t’arrêtes hors d’haleine
en bordure de voie.

la lumière s’est figée
c’est comme une éclipse
qui entame le soleil.
tu te tournes et derrière toi
tu vois cette statue de toi-même
souillée de terre, dénudée.

(Fin du cycle des rêves)

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