Claire Ceira

ange aigu

par claire le 26 octobre, 2012

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Il est à l’écart du monde
dans la fin du verset dans l’écart du village
il est sur le versant
gris du coteau que la nuit atteint.

Il n’est pas encore là
toujours par derrière il souffle
dans la nuque comme un bruit
de buisson d’eau d’animal
un murmure froid un temps perdu.

Entre deux plateaux nus, deux falaises
son miroir enfonce un coin
reflète une part cachée du paysage.

Crochet au bout d’un long filin
il plonge dans l’eau trouble et verte du crépuscule
comme un reflet tombé
du haut ciel sur la campagne

dans la vitrée de tes yeux
coule son rayon.

mesuré

par claire le 11 octobre, 2012

oh rouge gorge
dans le buisson si gris si orange,
ta flamme dans le jardin d’octobre posée
rouge contre la fumée de tes ailes
es-tu celui de l’an dernier ?

jardinier seul
brumeux retourne la terre
qui tourne toujours dans le même sens
prend son temps dans le même champ
fermé de haies.

combien d’hivers a-t-il encore sur la terre
retournée dans son sommeil froid
combien d’heures de coups de bêche
dans ce champ borné de fossés
– devant ces brillants yeux noirs ?

chant de poisson

par claire le 2 octobre, 2012

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je suis le poisson pilote
collé qui ne nageait pas
porté de courants ondo-
yants, de corps plus forts que lui

désormais je ne tournerai
plus avec vous requins marbrés
gencives pâles rincées de mer

je vous vois de loin

toujours tournants qui cherchez le nord
de là où je vais je vous
écrirai des choses subtiles
que vous ne lirez pas – car vous
ne les trouverez
pas

fish eye

par claire le 2 octobre, 2012

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Vu de dos : une plaine
ligne centrale comme une arête
là où coule la rivière,
ruisseaux venus
des deux versants.

sous les pas fugaces la neige
sous la neige les ruisseaux en sommeil.

Vallée de ma rivière noire
où sont tes vertèbres ?
où brillent tes étés de poussière,
leurs lumières atténuées ?

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boues

par claire le 25 septembre, 2012

……

ce qui nous attendait s’est déposé : boues, cendre et mots perdus
au fin fond des actes.
des faits et gestes pressentis et non venus
des histoires cachées dans une pauvreté sauvage
plantée de buis sombres.

ce n’est pas dans une lumière d’été
ni dans la chaleur
d’une petite main qu’on tient en marchant

– toujours dans la paume de celles qu’on n’a pas touchées et leur température inconnue – ou flottant autour de ce corps, à jamais dans ce halo autour de ses mouvements
la houle lente de ses mouvements
qu’on ne voit plus glisser, sur la grève des yeux
remplis de mer.

ce n’est pas dans un monde d’enfant
c’est une chose de vieillard
de ce temps juste avant la mort.

quand les fonctions du corps une à une déraillent, que reste
intermittente, la flamme de conscience
– c’est juste avant de partir.

s’inscrit dans ce qui attend
notre corps, comme un lit occulte :
voix fluviales, extraits de corps morts
vase qui se soulèvera dans un dernier mouvement d’eau
tout au fond de la mer commune.

le corps mourant
touchant le fond élève
sa brune alluvion personnelle
puis dans un mouvement silencieux
s’allonge lentement – se repose.

pureté de l’eau noire, bientôt revenue
cristal de la nuit profonde.

Assise, embrasser

par claire le 14 septembre, 2012

les regards n’ont cessé de descendre
depuis l’esplanade pour se poser, mesurer
l’immense plaine en contrebas
or et brun.

la lumière n’a cessé
d’éclater de séparer
le ciel des murs de pierre
et les plantes des ombres.

les murs n’ont cessé d’enserrer
les maisons les petites rues, les églises
construites et peintes il y a longtemps, les gens
n’ont cessé de venir comme des fourmis.

et la terre a toujours tremblé
les murs ont croulé les plafonds fendus
laissant tomber à terre leur fardeau divin
d’écailles de peinture.

les fourmis ont toujours construit
leurs fourmilières, les hommes empilant
leurs villes neuves et leurs murs sur les murs passés
écroulés.

les gens n’ont cessé d’aller et de venir
sur la place haut placée que baigne la lumière du soir
les gens n’ont cessé de regarder en bas
et de se taire, embrassés.

Etre

par claire le 5 septembre, 2012

La lumière se répercute
sur les fleurs des cerisiers
le début du printemps coule
croule le long du ravin.

nous, nous fouillons les poches de la tristesse
son manteau brodé de métal terne
cherchant ses vieux sous
pour avoir quelque chose..

tenture

par claire le 11 août, 2012

c’est dans son épaisseur
(demi-voile, dévoilement)
qu’on peut vivre
tissé dans le temps, présent ailleurs
semblable aux mouvements qu’on déchiffre
dans les plis d’un rideau.

sanies
vin et pétales
pleuvent dans cette chambre,
leurs teintes riches, violacées
qu’on frotte entre deux doigts
donnent au regard du repos
– le bonheur crie au loin.

à demi-déployé dans le soir
tendu verticalement avec ses grands plis :
entre la dernière
et la prochaine fois
comme un album ouvert
la nuit qui sépare deux jours
un doigt qui marque la page.

son poids, ses couleurs brûlées
et cette verticalité de garde
pendent largement pour épargner l’intérieur :
un silence rempli de rêves
crépite.
(tout se transpercera
au réveil).

saisir alors le grand tissu,
le tordre et l’essorer
– pour voir couler le motif.

soleil (matin)

par claire le 17 juillet, 2012

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Séparations du sommeil

par claire le 4 juillet, 2012

tu dors de deux côtés.

dans le rêve
c’est l’automne
l’extrémité du boulevard,
et murs noirs, feuilles de brun rouillé
pluie – tout attend à cet endroit
la dormeuse d’autrefois
le vent, lavant les troncs
des arbres nus.

mais tu dors et
vraiment
dans la nuit
les mains du vent
travaillent ce pays :
grandes tables noires des pins
argent malléable des oliviers.

l’air baigne – envahit – le pays
sous le globe transparent de la lune
les premières traces de lumière naissent
au ciel
à l’est sur la facade des immeubles
et sur la mer d’un bleu cobalt.