rêve de l’université
par claire le 8 juillet, 2013
C’est une fac dans un état lamentable. Portes préfabriquées battantes et dégradées, murs sales et couverts d’inscriptions, tout est cassé, de mauvaise qualité, pisseux et froid , couleurs blanches, grises ou bleue pâles.. .aux murs sont fixés avec des punaises des petits papiers à moitié déchirés, écrits à la main, des imprimés périmés. Les étudiants naviguent là-dedans avec philosophie, se rassemblent autour de leurs professeurs dans une salle, tables le long des murs disposées en un grand rectangle. C’est le début de l’année.
Celle d’avant s’est mal terminée pour moi, parce que je n’ai absolument pas travaillé, c’est à peine si je connaissais les matières enseignées, encore moins les horaires des cours. Cette année j’ai décidé de m’y mettre, alors je commence par aller consulter le planning.
C’est un étrange document, en forme de jupe plate, posé sur une table. La couverture est en tissu, du jean ; les feuilles à l’intérieur sont plastifiées, gondolées, et tout le monde les tourne avec précaution, regarde les tableaux qui indiquent les horaires et les salles de cour. C’est une fac où on enseigne les techniques de l’habillement.
J’entre et m’assieds dans cette grande salle, à une de ces tables. On parle de ce qui s’est passé l’année dernière…quelque chose est arrivé à une fille nommée Rebecca, et ils échangent à mots couverts. Je ne suis au courant de rien, il semble que tout le monde se sente assez coupable. Il y a à côté de moi un garçon que je connais depuis longtemps, qui s’appelle X, que j’ai eu plaisir à retrouver car ainsi je me sens moins étrangère. Un des professeurs se lève et parle, debout à ma droite. Il est entre deux âges, vêtu de couleurs ternes, de ces vêtements sans attrait des années 60 (comme dans le film sur Hannah Arendt). Je ne comprends rien de ce qu’il dit.
vacance
par claire le 8 juillet, 2013
Mountain passes slipping into stones
Hearts and bones
Paul Simon (« Hearts and bones »)
Une longue route enneigée, en montagne, à la tombée du jour. Dans la voiture, les parents et les deux enfants (le dernier est très petit, moins de trois mois) ; la fille – elle aussi très jeune – parle à peine.
Elle a beaucoup de mal à s’y faire, à l’arrivée de ce frère, de ce bébé dans son lit-auto ;
elle a besoin pour le supporter d’une musique, comme une chambre d’écho.
Alors tout au long du voyage ils écoutent de très nombreuses fois ce même CD : des chansons en langue étrangère, le long de cette route où la nuit devient de plus en plus noire et épaisse, où luit à peine la phosphorescence de la neige. Le froid dur comme une menace dans l’obscurité, comme l’armée d’une guerre invisible, et les hautes parois dressées des montagnes, les sapins plus noirs encore, leurs obliques tracées de blanc.
Tout au long des incessants virages, serpent gris dont la tête cherche l’abri encore inconnu, ils habitent cette bulle de lumière, que remplissent la voix, les mélodies, et la poignante nostalgie du chant. La petite fille demande à écouter encore et encore. Et sa mère, elle aussi saisie dans cette tristesse fluente, profonde, des premiers mois si étrangers de la vie, accepte et se tait.
C’est ainsi toute la soirée, jusqu’à ce qu’elle s’endorme, et qu’ils arrivent enfin en milieu de nuit, après une erreur de trajet, dans un petit deux pièces glacé et sans âme qu’il faudra, très vite, rendre chaud et vivant.
dix mille feuilles (repris)
par claire le 5 juillet, 2013
.
Il se glisse entre les feuilles
de la nuit – hors des lumières
l’exil sans danger
les perles blanches comme jetées
au hasard dans leur lueur
notes réfléchies
orangées.
une main posée sur la branche,
il cherche encore du regard
ce qui coule tout au fond. Les feuil-
lets de la nuit s’écartent
odeurs de mine de crayon
d’encens comme velours brun,
dans leur haleine.
les branches élaguées du rosier
le dais de la nuit qui s’étend
sur ce fouillis – sur le sol
les épines inutiles
et le gris du soir descend
sur ce jardin de fin d’hiver.
Il a saisi dans la nuit
un fin bruissement de sable
touche l’eau coulant du ciel
le long des lianes cachées
et tout se prend
il est seul
là où le vent s’est posé.
rêve de la prairie haute
par claire le 30 juin, 2013
Je suis interne dans un service hospitalier, c’est un hôpital comme autrefois, il y a des salles communes et je circule entre les lits. Les gens (ou les enfants ?…….je crois voir un ours en peluche) sont tranquilles, j’ai ma blouse et mon stétho, je fais mon boulot.
Puis je rentre chez moi, je suis fatiguée, alors je vais dormir. Quand je me réveille, pensant qu’il est 14 h, en fait il est plus de 16h15 ……je dois retourner à l’hôpital, car je n’ai pas vu les familles. Depuis que je suis interne dans ce service je n’ai jamais vu les familles et pourtant c’est ce qui doit être fait. Il y a aussi une contre-visite peut-être ? Je prends une douche, m’enveloppe dans mon grand peignoir gris. En sortant de la cabine de douche je me rends compte qu’il y a beaucoup de monde dans la maison. Il y a en particulier à côté de moi un homme, avec son visage mince et ses yeux clairs – on est amis, il me sourit – je pars. Une femme est là, elle me propose de partir avec elle dans sa voiture, on grimpe ensemble sur une grande butte de terre glaise nue et glissante, beige, et elle perd l’équilibre, je la rattrape sous le bras, son bras maigre et nu à l’aisselle profonde.
Elle me dit alors qu’elle doit passer chez le boulanger ; je lui réponds un peu agacée que je vais prendre ma voiture, car on ne va pas au même endroit et que je suis en retard. Le sentier devant moi fait une fourche, je prends celle de droite pour rejoindre l’endroit où m’a voiture est garée. Il y a des gravillons.
J’arrive à l’hôpital, dans le service où règne déjà la pénombre. Je vais voir les familles, les gens m’attendent.
A l’intérieur du rêve je m’interroge…… je repense à la dernière fois où j’ai vu cet homme, cet ami : l’ai-je vraiment vu ou était-ce aussi un rêve ? Cet après-midi passé à marcher dans une grande prairie à l’herbe haute, déjà un peu sèche par endroits, avec des sentiers presque invisibles, parallèles mais éloignés de plusieurs mètres, où on avance enfoncés jusqu’à la taille. On n’est pas dans le même sentier mais on se parle en riant par dessus l’étendue d’herbe baignée de lumière……juste la joie du rire et d’une complicité.
rêve du jeune homme accidenté
par claire le 25 juin, 2013
Impression d’un très long rêve, mais découpé, cahoteux.
Le personnage principal est un jeune homme, très mince et fragile d’aspect. C’est un artiste de talent. Il vient d’avoir un grave accident, son corps est comme replié, enchevêtré de débris du véhicule qu’il utilisait (un vélo ?). Il agonise dans un immeuble pauvre, entouré de gens que sa présence encombre. Je propose qu’il vienne chez moi, il me semble que je pourrais au moins aider à une fin moins douloureuse. Dans la même famille vit ma nièce (par alliance), c’est une jeune fille, et elle non plus n’a pas d’endroit où s’installer dans cet appartement vieillot, crasseux. Je propose de l’accueillir elle aussi, il y a plus de place chez moi. Mais sa mère m’agresse : « tu sais, je vois bien pourquoi tu l’invites : ta fille est en terminale S et la mienne est brillante en maths, tu comptes bien avoir une aide gratuite ». Je suis offusquée d’une telle bassesse, je renonce aussitôt à inviter la jeune fille, dont les cheveux d’un blond-roux profond sont étendus sur ses épaules, tandis qu’elle travaille à sa table de cuisine, sous une lumière faible.
Le jeune homme longiligne est transporté chez moi, un lieu guère plus confortable, même immeuble, même ambiance de lumière grisâtre, mêmes papiers peints pisseux. Dans la chambre où on l’installe, il y a un lit, une table de nuit. Je m’approche de lui et commence très doucement à tenter de démêler l’amas que forment ses membres et les bouts de métal. Je déplie, peu à peu, et oins d’un liquide apaisant ses longs bras, son dos, ses jambes. Je me rends compte qu’il est très souple et que c’est assez facile, indolore. Peu à peu il se déplie presque complètement. A ma surprise, il se lève et commence lentement à déambuler sur le palier, ployé en avant. Il est bien vivant, il n’est pas en danger, il va aller mieux.
Je suis très satisfaite, fière de mes soins. Je vais regarder sur internet (Wikipédia) ce qui le concerne, c’est effectivement une sorte de génie, mais je vois soudain avec stupéfaction qu’il est mort en 1980. Tout ce que j’ai vécu ces derniers temps, ce sauvetage, n’est qu’une illusion. Il est mort depuis plus de 30 ans, je ne l’ai jamais cotoyé.
février 2013
rêve de l’assemblée du deuil
par claire le 25 juin, 2013
Tout se passe dans une grande et ancienne maison, un peu à l’abandon, à la campagne. Dans une partie de la maison dorment les adultes, les enfants sont logés ailleurs (une autre aile ? un autre bâtiment ?). Les chambres sont disposées autour de couloirs compliqués, peu éclairés, dont les revêtements semblent très vieux, fanés. Il y a des parties de la maison à moitié détruites. Par exemple dans une salle, le plancher s’interrompt à deux mètres du mur opposé et donne sur le vide. J’ai remarqué combien cet endroit serait dangereux si on arrivait avec trop d’élan. D’autres pièces sont remplies d’objets du passé, oubliés, touchants.
Dans une salle, au sol de terre battue, on voit des débris hétéroclites, parmi lesquels la partie supérieure d’un crâne de vache, retourné, très usé, et poudré d’une poussière noire qui en souligne les reliefs – on devine le palais, quelques dents.
Mais dans les grandes pièces du bas, des tables sont dressées, on va dîner. A la table où je m’assieds, avec mon mari à ma droite, la place de gauche est vide. Je vois au loin ma grand-mère qu’on entoure, à qui on propose de venir me rejoindre. Je n’en ai pas très envie mais je ne le montre pas, elle s’assied donc.
Puis le rêve fait un saut. C’est la fin du repas, une partie des convives est déjà partie, dont ma grand-mère, et je me retrouve à côté de deux jeunes hommes dont la compagnie me plaît. Je suis même à moitié appuyée sur mon voisin de gauche, j’ai un comportement plutôt impoli : je me rends compte que j’ai mangé à même le plat, plongeant ma cuillère dans la sauce jaune et crémeuse, j’ai taché la table, et maintenant je mange avec ses couverts à lui. Je me demande ce qu’il pense, je vois du coin de l’oeil que j’ai taché aussi sa chemise (mais les taches sont bleues). Je suis un peu embarrassée mais trop animée (ou ivre ?) pour le montrer.
En fait nous sommes réunis à l’occasion d’un deuil, celui de mon ami X. qui vient de mourir. Je vois sa femme, M., ses enfants adultes. Elle est dans le désespoir, elle se précipite dans la pièce dangereuse, elle voudrait se jeter dans le vide. Je la retiens par un bras, essaie de la raisonner. Elle se laisse convaincre. Elle paraît très fragile, et tout le temps où je la retenais je regardais l’intérieur de l’articulation de son coude tendu, son bras fin et bronzé.
Puis c’est la nuit, une femme vient dans ma chambre en chuchotant, elle veut me montrer quelque chose. Nous suivons les couloirs sombres et abandonnés. C’est un vrai labyrinthe, je me demande comment elle se repère. Elle m’amène dans une série de chambres dont le sol est jonché de très gros objets brisés. On dirait qu’un être d’une force extrême a donné libre cours à sa colère. On sent le danger qui plane, je m’inquiète pour les enfants.
Le lendemain est le jour où nous devons nous séparer. Je vois passer dans un couloir, au milieu des gens, un homme qui porte dans ses bras M., je me dis qu’on dirait une petite fille. Elle est en vie mais va très mal.
Quelqu’un nous rassemble dans les salles du bas. Peut-être il faudrait dire quelques mots, me glisse une personne proche de moi. Je lui réponds « très peu pour moi », mais elle insiste : il faut quand même remercier ces gens qui nous ont si bien accueillis. J’en conviens, commence à me creuser la tête.
24 06 13
fragment de rêve des ocelots
par claire le 25 juin, 2013
…..
je suis dans ma maison dont une fenêtre très étroite donne sur un jardin. On dirait que c’est une maison amiénoise. J’y ai amené une portée d’ocelots très petits, au long pelage d’hiver doux, bicolore, blanc et gris pâle. Je les regarde aller et venir par la fenêtre et me rends compte avec inquiétude que certains sont devenus très gros, que ce sont des fauves, même si pour moi ils ne sont pas dangereux. A ce moment, apparaît un voisin plutôt désagréable, au visage asiatique, qui porte une sorte de foulard sur la tête. Il me demande agressivement la raison de la présence de trois pylônes dans son jardin….il ne semble pas avoir remarqué les ocelots ….
rêve du rayon rouge (et de la rencontre de ma mère)
par claire le 18 juin, 2013
C’est une grande ville du futur, composée d’immenses bâtiments imbriqués, noirs ou gris. La vie se déroule sur d’innombrables niveaux, le sol n’est plus qu’une abstraction. Tout est perpendiculaire, vertical, grillagé, artificiel. Au-dessus c’est comme dans une volière, le ciel semble voilé par un très fin grillage, on ne peut pas sentir le temps qu’il fait, ni savoir l’heure du jour. Il y a des lumières. La ville elle-même évoque la semi transparence d’une volière, et un dédale sur trois dimensions. Dans ce lieu qui a une austère et redoutable beauté, je me déplace facilement, je suis en terrain connu. Mais un grand danger est présent, menaçant, une sorte de rayon laser rouge, assez semblable à celui de certaines alarmes, transperce l’espace, se matérialise sur la paroi des immeubles, est par endroits comme filtré, atténué par les passages à travers des verrières. Ce rayon unique qui règne sans que personne ne puisse s’y opposer ou s’en protéger, est un esprit malfaisant, qui tue. Je le combats et il le sait, il me cherche.
Tout le rêve est occupé par cette sorte de cache-cache entre moi et lui. Je ne suis vraiment en sécurité nulle part, je cherche à atteindre l’origine du rayon, qui troue une façade comme un oeil brûlant. A moment donné je suis vraiment descendue tout en bas, et je marche dans une rue encaissée, pavée, où je gare avec difficulté une camionnette. Je vois ma mère venir à ma rencontre, petite femme tranquille et pragmatique, comme je l’ai connue chaque fois que j’ai eu besoin d’elle. Elle ne s’émeut pas plus que ça de la situation qu’elle comprend bien, on discute ensemble de ce qu’il faut faire.
Depuis quelques temps le rayon semble avoir perdu de son intensité, il paraît plus discontinu, plus hésitant, plus rare.
Et puis à la fin du rêve je vois qu’il a disparu. Je m’informe : est-ce vraiment fini ? Et, oui, il a été détruit, ou bien il s’est éteint tout seul, comme s’il avait suffi de lui échapper assez longtemps pour que son pouvoir s’annihile.
Il n’y a plus rien à craindre, on peut se promener librement.
le cavalier bleu
par claire le 14 juin, 2013
emmène-moi loin de moi dans le pays
feuilleté du crépuscule
où des cascades s’effondrent
comme dentelles lourdes.
arrachement de tendons
fixés au sommet des colonnes, pour des ébranlements anciens
lave-moi de la suie de moi
amassée dans le grand jour
lentes ailes, fortes poitrines de chevaux entravés
qu’on arrête
qu’on masse
la jointure des mots communs
de ces ponts si difficilement construits.
amène-moi là où tu
es choléra – l’interstice
des périodes de la vie, où tu sévis
cavalier prudent de la mort.
la mousse viride, saturée d’eau
et ses larmoiements.
rêve du maître
par claire le 4 juin, 2013
C’est un pays que je parcours dans une atmosphère crépusculaire, de déroute, de désordre. Beaucoup de gens vont et viennent, très loin de chez eux, en masses.
Je voyage avec plusieurs personnes inconnues, dont l’une est une femme gravement malade, mourante, qui survit immergée dans une sorte de cuve rectangulaire. Deux petites machines en forme de lampes l’approvisionnent alternativement en oxygène. Sa mort n’est qu’une question de temps, elle est inconsciente, et pourtant nous l’emmenons partout avec nous, tentons de la maintenir en vie. Il y a deux de ses enfants, adultes.
Un matin en me réveillant je me rends compte qu’une des machines manque, celle qui était en fonction. Je me hâte de faire ce qu’il faut, il est tout juste temps. Qui a pris la machine, un des enfants ?
Nous continuons notre chemin, et nous arrivons à l’endroit où vit un « maître », une sorte d‘anachorète, dans une caverne très large et basse, sombre. Une foule se presse autour de lui, un peu servile. Il a la réputation d’être imprévisible, lointain. Tous défilent devant une longue table de bois installée sur un côté la pièce, derrière laquelle il se tient, va et vient. On devine derrière lui des tableaux et des choses qu’il a créées. Je suis accompagnée de ma soeur, je m’approche avec elle de la table, il me regarde et prend un étrange objet, dont de nombreux exemplaires sont posés ici et là, objets bricolés, en attente. Il me le tend : c’est une sorte de longue lamelle de bois brun qu’il replie, surmontée d’un cristal vertical, un peu trouble. « Voyons si vous pouvez peindre des fumées » me dit-il. Le pinceau qu’il m’a donné est très fin mais ce que je peins, sur le cristal, me semble grossier alors je l’estompe avec beaucoup de soin.
Le résultat lui plaît, soudain il décide de quitter la grotte, m’emmenant avec lui. En me rendant l’objet que je viens de peindre il a accroché mes doigts et les garde mêlés aux siens, nous marchons ainsi côte à côte en silence sur un chemin, à côté d’une muraille à peine visible dans le soir. « Je lâche les gens parfois, vous savez » me dit-il au bout d’un moment. Je lui réponds que je le sais.