suite des surfaces
par claire le 7 juillet, 2014
1
c’est comme si j’avais vu les os du monde
quand le vent ne soufflait plus
debout au bord du plateau
au bord des dents de la falaise
– comme s’il avait pelé l’herbe, aspiré les lacs glacés
et arraché la chair des montagnes
pour l’adresser au ciel en poussière.
les grands os parlaient de la vie du monde
ceux des jambes comment sauter, les os du thorax comment respirer
et les splendeurs lumineuses des phalanges
comment tout saisir et tout retourner
je voyais tout
il suffisait d’attendre.
2
nous étions là les yeux ouverts
troublés, encore adaptés à l’eau
avec nos os de cartilage, la petite langue vivace et muette
dans cette identité de pénombre
tout était prêt
à s’inscrire.
eux se perdaient dans les miroirs
petits, convexes, entre nos paupières
ils nommaient prénommaient
leurs mots tombaient sous la surface
c’était comme un puits pour eux.
humains en métamorphose
nous étions leurs petits étions le contenu
depuis toujours attendu
de leurs bras du rêve.
3
errant sans but
à la fin d’une journée d’hiver
tu entres dans la cathédrale
de ton propre visage tu te mets en arrêt.
derrière les paupières luit le vitrail
la croix au fond sombre de la nef
repose, repose enfin le sauveur
que rien n’a sauvé.
reposent toutes les statues de bois
tête penchée
au-delà de l’attention.
certains sont là avec une lumière
dans la main
rouge.
4
sur ce bout de trottoir plus plane qu’ailleurs
ciment fraîchement lissé peu sali – sans effritement
l’enfant a vu les anfractuosités
dont il a fait les yeux
de son animal-moi
tout au fond est caché ce qu’on pourrait lui dire
lui murmurer ou même la simple pensée
qui échappe à tous
et reste
dans ses yeux las et sans défense
l’animal-moi est dans le trottoir
je le vois me voir tous les jours
en partant
à travers le matin gris.
5
dans quel sens il marche
dos tourné à la violente flèche
du soleil – ou guidé les yeux trop éblouis
il marche dans une cour bordée
de hauts immeubles au sol rainuré
la diagonale du soleil – le V de la flèche
ombre et lumière et ses noirs à lui
au bord du milieu.
(les poèmes 2 ; 3 ; 4 ; 5 ont été inspirés par des photographies de Pierre Anselmet)
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