C’est une pièce (4)
par claire le 27 janvier, 2012
…..c’est un salon où il n’y a personne. Deux canapés différents, une table basse, des objets. C’est un jour de lumière blanche, et par la porte-fenêtre on voit un bâtiment un peu particulier, surmonté d’une sorte de tourelle couverte, aux fenêtres petites et alignées. Pour la beauté seulement ou pour le contre-jour, le photographe a allumé une lampe ronde, que nimbe un imperceptible halo, dans la forte lumière venue du dehors.
On y serait invité un jour, on s’assiérait sur l’un des deux canapés de cuir noir, le corps au début un peu raide, à cause de son statut d’invité, de la conversation à soutenir. Mais peu à peu sans doute, le plaisir de cette conversation commencerait à couler et alors on serait touché par l’arrangement de la pièce, beau sans affectation, et l’idée qu’on pourrait habiter ce quartier paisible, avoir tous les jours sous les yeux cette tourelle, cette maison voisine, au plan différent des autres.
On plongerait chaque matin les yeux dans les branches de l’arbre invisible qui se dresserait en dessous : bourgeonnantes, couvertes de feuilles ou nues, selon la saison, dont la photo ne dit rien. Le geste de fermer cette porte-fenêtre, on pourrait l’avoir en soi, dans le souvenir des bras, familier comme le grincement des deux battants qui s’emboîtent, de la crémone qui tourne. On pourrait être l’homme ou la femme qui parle, en face de soi, celui ou celle qui a choisi ces objets.
Une voix nous dit alors qu’on serait mieux que soi-même, et cette voix est l’assise de la tristesse, dans la réalité.
Cette conversation rêvée, cette voix intime qu’on connaît depuis si longtemps, le calme de l’image et du dehors lumineux, font le même halo que la lumière globuleuse et mate de la lampe, mélangée à celle du jour (extérieure, dans son plein essor)
On sort peu à peu de cette vision, de cette photo, pour revenir à la réalité.
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3 comments
La beauté, la paix, la vie semble toujours chez les autres. Vision idyllique d’une tranche, d’un instantané de temps. C’est là l’artifice de l’art en général, de la photo et de la poésie en particulier, que d’ouvrir des portes à l’imaginaire. C’est cette transcendance magique qui permet souvent de se dépasser, de sortir de soi…
by Christophe (Hamster) on 26 février 2012 at 13 h 48 min. #
Je viens de trouver sur un autre blog cette citation : « L’âme est ivre non seulement de ce qu’elle a bu, mais ivre entièrement et bien plus qu’ivre de ce qu’elle n’a pas bu et jamais ne boira. » Marguerite Porete, Le Miroir des âmes simples et anéanties. (merci Emilie)
by claire on 27 février 2012 at 9 h 36 min. #
En fait, j’ai retrouvé certaines des photos qui ont inspiré ce texte (et « c’est une pièce » 3 et 5) sur le site de Christian Vogt. Le plus intéressant c’est que ces pièces ont une histoire, renvoient à des personnages célèbres, il l’explique dans ses commentaires.
L’écart entre ces histoires et celle que j’ai imaginée pour chacune est bien intéressant.
by claire on 6 juin 2012 at 10 h 40 min. #