C’est une pièce (3)
par claire le 2 janvier, 2012
…une salle de bal, ou un dancing, ce genre de lieux dont les noms renvoient à une autre période, où ils étaient à la mode, et qui persistent dans certaines petites villes.
on vient jeter un coup d’oeil en entrebâillant une porte, on ne s’attardera pas, même si la fête bat son plein.
C’était je crois à l’étranger, lors d’un voyage.
(on a poussé la grande porte battante, il y a la chaleur, la musique braille, on est mal à l’aise. Entrer, rester dans le fond, pour regarder tous ces couples mouvants ou ces jeunes filles aux rires excessifs, ces femmes vieillies qui dansent ensemble. On voit que les musiciens sur l’estrade transpirent sous les projecteurs, la femme en rouge et or chante, un mélange rebattu, naïf, ringard. Mais les gens s’amusent et les jeunes se surveillent, on voit qu’ils notent avec une grande attention les mouvements de leurs désirés ou de leurs rivaux : les directions des yeux, les rapprochements et les rires sous cape. Certains coeurs s’emplissent d’une lave invisible et chaude…….suspendent leurs battements, puis repartent fort. Derrière les couleurs mièvres, les maquillages lourds, derrière l’entravante nudité à demi-découverte et les cheveux raidis de gel, derrière les gestes copiés, circulent des éclairs atténués, des regards.)
Mais sur la photo la salle est vide, il fait jour, on sent le silence blanc d’une matinée. Les chaises ont été empilées à l’envers, la lumière venant de la fenêtre se brise sur leurs pieds hérissés, en bataille. Elle gaine d’un vernis liquide chaque relief, le soubassement des sièges, s’étend sans éclat sur le plancher mat, elle suit le rebord du bar presque nu. Il y a quelques objets de décoration. Tout est si immobile.
C’est comme le souvenir d’une vision d’enfance (un spectacle vrai) qu’on découvrait à l’improviste : l’envers et l’avers du monde adulte infini, glauque comme une mer.
Devant laquelle on se retrouvait entièrement (enfin) seul.
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