Claire Ceira

diptyque

par claire le 12 mars, 2013

jour (donner le)

je me souviens
des petits corps chauds remuant
pour la première fois dans l’air
encore enduit de vernix
qu’on vous pose sur la poitrine
et qu’on tient bien serrés
de peur qu’ils ne glissent
sur le carrelage blanc au dessous.

qu’on tenait bien de ses mains d’adulte
doigts glissés sous les petits bras

de la petite tête mouillée
criant dans la main
à qui on murmure quelque chose.
petit visage
dans le creux de l’épaule
qui doit sentir l’odeur particulière
le mélange entre les deux peaux.
et le cœur, si fort et lourd dans l’émotion
et la fin de l’effort.
le sien
battant rapidement.

——————————-

exiler (s’)

tu as quitté ta peau
si visiblement, immédiatement.
elle est déjà celle d’un mannequin
oublié toute une nuit sous la pluie
et ton corps est déjà celui
d’une poupée d’autrefois
que l’enfant a laissée,
salie, pour grandir.

et ton visage n’a plus rien à voir avec toi
celui que je garde.

aucune de tes paroles
ne pourrait s’y dire
ni aucune de tes expressions
y jouer à nouveau son jeu de vivant.

je me penche sur cet étrange forme qu’on embrasse
dont le froid même
dément la nature humaine.

le si lent mouvement des paupières
leur faible papier de soie qui battait sur la flamme
égarée des derniers regards
je le garde.

je touche ta joue
pour toi
au cas où tu regarderais encore
de loin ce grand jouet perdu ce véhicule
qui t’a mené si bravement,
si longtemps.

3 comments

Très beau et très émouvant, Claire.
Mes condoléances.

by Christophe on 15 mars 2013 at 19 h 10 min. #

Bonjour Christophe, ça me fait plaisir de te relire.
En fait, les deux poèmes ne renvoient pas a des choses vécues très récemment (surtout le premier!). C’est quelque chose sur le début et la fin de la vie dans le lien emotionnel avec l’autre, ce qui passe par les sens, la peau, et aussi une question sur ce que c’est être vivant, comment on est face a la vie de l’autre, ses manifestations dans ces deux moments essentiels. Il y a une symétrie que je cherchais, et merci justement pour l’émotion.

by claire on 16 mars 2013 at 12 h 40 min. #

C’est une question que l’on se pose de + en +, au fur et à mesure que l’on avance dans la vie (au fur et à mesure où l’on est confronté de + en + avec des décès de gens qui nous sont proches, et ces statues de cire, enveloppes « charnelles »…) Comme toi, ce thème m’interroge, la relation à la biologie, à la vie et à l’apparence de la vie (surtout quand on ne croit pas vraiment à la spiritualité…)

Tes textes sont toujours plein d’une émotion (retenue, pudique, mais tout de même source d’émotion…)

Amitiés

by Christophe on 16 mars 2013 at 14 h 21 min. #

Laisser un commentaire

Required.

Required. Non publié.

Si vous en avez un.