Claire Ceira

série de l’eau

par claire le 5 février, 2013

Rester est une superbe chose (Florian)

1

la pluie atteindra bientôt le fond
de l’anfractuosité sèche
elle touche d’une main froide ce qui dort là
qui dort toujours
– bouge et grommelle dans son sommeil.

dans le fond de son rêve vibre et flagelle
une vision trouble un murmure
bullant sous la pellicule d’eau.

la pluie blanche en lent rideau venant vers lui efface la mer
elle pénètre de son eau
ce tas de chiffons trouvés, ce vieil imperméable
cette similitude.

de l’autre côté de cette pluie,
un arc de cercle
isole une petite partie du monde, un lieu commun
où écouter le bruit de la pluie
mesuré du souffle du dormeur.

2

Après une longue conversation j’ai regardé dehors, j’ai vu la pluie sur le jardin, sur les oliviers. On était en alerte orange, j’ai pris ma voiture vers une jardinerie éloignée.
Là, le parking était presque vide, sous des herses d’eau verticales, et presque personne à l’intérieur – à part quelques employés vêtus de lourds imperméables, qui échangeaient avec moi un regard, et les derniers clients qui partaient.
La jardinerie est grande, à certains endroits les plantes sont à découvert, à d’autres la voûte laissait couler une pluie filtrée, d’autres étaient à l’abri. Je passais, tout à fait seule, dans un décor d’apocalypse tropicale, grands pots renversés, gravier noyé d’eau, puissantes cascades des gouttières, plantes respirant vertes et épanouies sous le déluge. Allées, arbustes, centaines de godets alignés, tuyaux comme des serpents immobiles. J’ai soigneusement choisi, je suis passée à la caisse, avec mon sac de cuir trempé. La jeune femme attendait mon départ pour fermer bien avant l’heure.
En revenant je me suis trompée de route, et je me suis trouvée obligée de passer par les gorges d’Ollioules, un défilé sinueux entre de hautes roches, noyées de brumes et de pins noirs. Et puis la petite montagne qui se trouve derrière chez moi, le col à grimper sous la violente pluie d’orage et après le col, un épais brouillard blanc.

3

La neige pose sur la mer un drap léger
épais tombant
de toute la hauteur du ciel
elle se couche sur elle encore et encore…
toujours le même mouvement
même la nuit dans l’obscurité
– comme la mère borde d’un drap
blanc l’enfant qui s’endort –

la neige embrasse l’eau et s’y fond,
comme l’enfant qui dort
coule à l’intérieur de la mère-rêvant
de la mer-sommeil qu’elle est devenue.

je traverse un pays presque vide
des plaines longues, rousses et brunes dans la lumière d’hiver
un collier de montagnes autour.
la route est comme un diamètre mouvant.

ta mer est loin de la mienne
combien de temps pour que l’eau de ta neige
atteigne la plage où jouait hier la fillette en anorak vert ?
jambes nues, pieds rougis d’eau froide
la fillette maigrichonne a trouvé une grosse pierre qui lui plaît
trempée elle la pose
au mileu d’une grande flaque, sur des galets empilés.

4

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