matin
par claire le 22 septembre, 2021
quand le serpent se dresse devant la vitre
entre par la fenêtre
l’intérieur de la chambre change – dans le début de l’aube.
le lit est vertical
le vernis à ongles se répand sur le sol
alors les murs brunissent comme une
grotte
tout est enfermé dans l’immobilité
du lieu qu’on connaît
réverbérations de l’air
contre les murs.
plus tard
on est assis sur le lit qui a repris sa place
la fenêtre est vide
les murs s’éveillent
on est bien seul.
3 comments
Celui-là m’a frappé particulièrement, d’abord le 1er et le dernier vers, mais à le relire, l’ensemble, en fait.
by Philippe on 23 juin 2022 at 22 h 52 min. #
Oui, il est particulier celui-là : je l’ai écrit à partir d’un tableau abstrait (dont j’ai oublié l’auteur) qui avait une énergie un peu angoissante.
Merci de ton passage !
by claire on 24 juin 2022 at 7 h 48 min. #
L’usage exclusif du pronom personnel « on » sur l’ensemble du poème (vers 9, 13, 16) laisse entendre que l’expérience relatée ici peut être vécue par l’ensemble du lectorat. Les marqueurs temporels (vers 1 : « quand », vers 3 : « dans le début de l’aube », vers 6 : « alors », vers 12 : « plus tard ») en circonscrivent les étapes. Le serpent figure l’image de la transformation, ce que confirme le vers 3. Le surgissement vertical – donc spectaculaire – du reptile fait basculer la perception du lieu intime (« l’intérieur de la chambre change »). Le monde extérieur va imposer une traversée des apparences (vers 1/2 : « se dresse devant la vitre/entre par la fenêtre »). Le moment évoqué (« dans le début de l’aube ») s’inscrit dans la tranche du sommeil paradoxal, là où logent les rêves dont nous nous souvenons. Voilà le lecteur propulsé dans une histoire à dormir debout, au sens propre du terme (vers 4 : « le lit est vertical »). Les repères familiers sont faussés, brouillés, bouleversés. Plus de place pour les artifices, ces masques derrière lesquels nous cachons notre véritable nature (vers 5 : « le vernis à ongles se répand sur le sol »). Le songe de fin de nuit se présente ainsi comme le révélateur d’une vérité cachée. Difficile d’éviter la case Platon – le mythe de la caverne – aux vers 6 et 7 (comparaison : « les murs brunissent comme une/grotte »). Tournons-nous le dos à la lumière ? Ne sommes-nous pas prisonniers, reclus dans un espace resserré (vers 8/9 : « tout est enfermé dans l’immobilité/du lieu que l’on connaît », vers 10/11 : « réverbérations de l’air/contre les murs »), captifs d’une illusion, englués dans un temps qui ne nous correspond pas, bien différent de celui auquel nous aspirons au plus profond de notre être ? La dernière strophe matérialise le retour à la pleine conscience des choses qui nous entoure (personnification du vers 15 : « les murs s’éveillent »), à la banalité d’un quotidien (vers 13 : « le lit a repris sa place », vers 14 : « la fenêtre est vide ») qui nous laisse un goût de cendre, l’indicible sensation d’un manque fondamental (marqueur d’intensité du vers 16 : « on est bien seul »).
Merci pour ce partage !
by jfmoods on 27 octobre 2022 at 19 h 17 min. #