Claire Ceira

« sous »

par claire le 31 janvier, 2011

… sous tout ce qui est lisible dans la lumière du jour, que l’air oxyde, vernit, racornit ; sous la poussière, sous la peau du monde usuel – si on la décolle doucement – ce qui a été protégé, même de notre pensée.

… la tension qui sépare l’émotion de l’action : un flux encore sans direction, semblable aux remous sous les cascades, une eau dangereuse, violente et brassée. parfois on reste pris et on tourne indéfiniment, toute la force occupée à se maintenir.
mais souvent un canal s’ouvre et l’écoulement commence alors – de plus en plus rapide, huileux.
dans ce temps très bref, placé hors des durées habituelles ou juste à la limite du temps, naît l’action…et on n’y peut rien.

…le soubassement des creux d’un visage. ceux des os mais aussi tous les héritages précédant la naissance, et l’histoire aussi des douleurs les plus prolongées, insolubles.

…la fente des paupière peinte de côté, paupières livrant par leur ouverture le feu d’une âme froide, d’une âme d’idole, percevant les débuts et les fins.

… la peau d’un homme très malade, âgé, qui s’assied avec peine ; sous la peau de son dos, le chapelet des apophyses vertébrales, en ligne tout à fait droite, parfaite. son torse émacié, sous un pyjama rouge vif.

… une sévère maison de brique pourpre, haute, vue de loin au bord d’un champ ; ses portes et ses fenêtres encadrées de blanc qui se détachent sur cette rougeur. la ligne exacte du toit, et à cause de cette ligne, le souvenir de toutes les maisons de ce genre qu’on a vues, perdues dans une incroyable épaisseur de temps.
maisons traversées un jour, de part en part, avec leur pénombre et leur odeur particulière dès l’entrée. l’épaisseur mélangée de la mémoire – feuillets dormants qui remontent, sous le moment qu’on vit là, debout et immobile, à regarder..

… une nuit opaque et glaciale, de retour de l’aéroport. l’autoroute cernée d’obscurité, dont la neige vient à peine de disparaître, des bancs luisant encore sur les bas-côtés ; c’est une nuit à voir des bêtes engourdies, égarées. soudain jaillit, long et pâle, et comme rampant sous la lumière des phares, fulgurant, ce qui me semble être un renard.
une seconde irréelle flotte – avant que je ne heurte le renard (ou qu’un arbre tombe, sans aucun bruit) ? – mais non, rien, tout se poursuit.

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