dreamed a dream
par claire le 3 décembre, 2016
DREAMED A DREAM
Ce que je voulais écrire d’abord était lié à une erreur : à cause de la reprise de la chanson par les Dubliners, les Pogues, mais surtout parce que je l’avais entendue chanter pour la première fois par un irlandais, j’ai cru que « Dirty old town » était une chanson irlandaise, qu’Ewan Maccoll l’était.
Or il est né en Angleterre, d’origine écossaise, et il y a toujours vécu. Ce qu’il chante, avec l’accent, la voix, la musique de ses origines, ce sont les luttes d’une ville ouvrière anglaise. Un celte chante des luttes de pauvres, les lieux disgraciés où ils ont dû aller vivre, les montagnes alentour et les errances, des histoires d’amour.
En y réfléchissant je me suis dit que j’allais suivre ces deux pistes, celle du déracinement et de la fidélité, celle des combats, et que finalement ce serait en accord avec son chant.
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Voilà que je te retrouve, monde enfoui, r roulés du gaélique, corps à la peau blanche, hair noir, yeux d’eau.
un monde d’herbe et de cils, de pierres grises lourdement imbriquées dans la nuit des temps, auquel je n’appartiens pas, que je n’ai pas goûté, où je ne suis pas née, où je n’ai pas vécu.
d’une langue que je n’entends jamais dans la rue et qui pourtant roule dans le tambour de mon oreille – avec ses heurts et sa fluidité, ses raucités – qui me laisse sur son bord.
rêve de raclures d’or s’éteignant au fond d’un marais de tourbe, des hachures de pluie au-dessus, du ciel qui aspire le regard.
et les traits couchés des accents, comme des serrures minuscules sur les noms, les volutes sur les croix.
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tout cela semblait s’être dissous dans des villes étrangères, après la famine et finalement l’exil.
mais pas vraiment, non – ayant fait un pas en arrière et laissé le devant de la scène aux devoirs de survie, à des pauvretés moins radicales, à des guerres de crépuscule urbain, des corps écrasés dans les files d’attente, ou dans la boue.
quand on quitte son pays une alchimie intérieure doit faire un alliage, entre ce qui ne sera pas oublié et ce qu’il va falloir vivre.
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et plus loin encore, partout : juifs, celtes, gitans, peuples en mouvement constant, de la harpe ou du violon, du chant qui déchire et de l’humour qui crache en riant – peuples destitués.
chassés par la faucheuse de leurs minuscules maisons, des champs caillouteux et des cours grises ; tuberculeux, entourés de chiffons, leurs fils, ces garçons maigres, nostalgiques.
peuples des exodes où l’on part sans rien prendre, sinon les petits enfants et les vieillards, serré de près par la peur.
des titanics de caoutchouc, errances sur une mer froide, sans ports ouverts, marches en files trempées le long des routes.
gibiers de toutes les polices, de toutes les erreurs et terreurs du monde, de tous les voleurs, gibiers de camps.
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dès qu’ils ont les pieds posés dans un coin de ville, la marche terminée, installés dans les petites grottes d’immeubles insalubres, se déversant dans la rue, reviennent les talents.
musiques qui s’accélèrent et chants par-dessus la tête, danse.
la langue que les autres ne comprennent pas
ils vont chercher du travail, le trouvent, le perdent. perdent peu à peu la vie.
certains des enfants se mettent à chanter, à écrire…
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pourquoi ces chants ont-ils une telle intensité, pourquoi leurs cris sont-ils si profonds, si violents et subtils, accordés à la vérité des règles illisibles du monde, tel qu’il va ? cette alliance de l’éclat et du sourd, du noir absolu et de la lumière des yeux, du sang des lèvres, du rire et de la mort. de quelle terre avons-nous été chassés pour pouvoir les entendre ainsi au plus profond de notre âme ? de quel pays privé de nom, de quelle appartenance oubliée ?
votre malheur, vous l’offrez à nos sens perdus, pour que nous retrouvions le nôtre, et notre colère aussi….nous sommes spoliés de nos personnes, de nos amours et du vrai temps de notre vie. nous sommes privés de notre honte, de derrière nos fenêtres elle nous revient à travers vos yeux. vous avez marché pour nous redonner la clef de la porte, et vous chantez pour que nous tentions de nous débrouiller de la mort.
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