imaginés
par claire le 25 septembre, 2016
(plusieurs de ces poèmes sont en vers librement arithmonymes. Ils sont inspirés d’un livre de photographies de Christian Vogt : « Photographics essays on space »).
matin
ouvre la
gueule chien de la maison 26b
dans le matin sans être humain
dans le matin au lierre mouillé
au bord de la voie ferrée.
ouvre la gueule pour que le
monde sorte et se déplie lentement
dans la brume qui s’efface
le train a disparu son bruit
est dissous aussi.
je ne sais pas, tu bailles
ou aboies sur la photo muette
l’humidité pénètre mes manches
fraîcheur de la forêt derrière,
du soleil invisible.
la maison 26b près des voies
son toit si enfantin sa cheminée
et près d’elle ce mur
globuleux obscur solide, ses barbelés rouillés
où sont-ils ?
chien créateur
l’odeur de tes poils humides
il faudrait voyager pour la connaître
glisser les doigts dans leur grisaille
risquer la main vers ta tête.
escalier
un grand mur dont une partie
est tapissée d’un lierre fatigué,
l’autre – en triangle vertical – moussue
trace probable d’un ancien bâtiment
fait comme un rêve d’escalier
des marches de ciment en perspective
vers un point impossible du mur
la mousse brodant contre le lierre
ses festons d’un jaune-vert militaire
paisible et têtu
comme la trace à déchiffrer, persistante
des projets auxquels on a renoncé.
un jour on démolit – les gravats
retournent à leur état sableux – le
liant gris se perd dans l’eau
la pluie froide. les mois suivants
les enfants qui venaient grimper lÃ
repartent ou traînent, cherchant des restes
de petites choses cassées mais secrètes
oubliées par les déblayeurs.
son
tout est gris
ou blanc ou noir :
la grande bâtisse avec ses
mansardes et son toit d’ardoises mécaniques
les arches de béton en dessous supportant une passerelle
les arbres (des bouleaux graciles dénudés) – le trait blanc au milieu des troncs noirs, sinueux
les réverbères éteints et le ciel.
il y a une grande intensité de désir dans l’image, comme celle d’un couple qui viendrait là en fin de journée
et pour eux seuls l’absence de beauté serait une vibration puissante,
sans mouvement. rien qui monte ou vienne
une vibration dans le ciel.
tandis qu’ils ont ouvert la porte
gravi l’escalier intérieur
qu’ils sont entrés dans cet appartement situé au centre de la bâtisse
et ont refermé la porte.
industrielle
ça a été construit
pour servir à quelque chose, pour servir d’abri à des machines
il est trois heures de l’après-midi, c’est un dimanche.
A huit heures du matin demain les fenêtres carrées, hautes
déverseront une lumière blanche vers laquelle se presseront les gens
qui servent ces machines.
le ciel sera d’un bleu sombre
on devinera à peine le rose rouillé et atténué des grands murs, les traînées.
Les fenêtres plus basses et plus petites auront un jaune différent
pour d’autres machines ou des bureaux
et au ras du sol
les fenêtres de la cave seront encore éteintes.
Certains dont les silhouettes toutes semblables se hâtent
auront vu cette façade 200 fois cette année
en arrivant, plus ou moins éclairée selon la saison
et la verront ainsi 200 fois 40 ans.
Et quand l’usine sera désaffectée
ce qui ne manquera pas d’arriver
ils passeront encore
et la regarderont avec son vide
ses fenêtres cassées, béantes
et l’aimeront comme on voit son ennemi mort
et tout ce qu’il vous a fait vivre.
if
si on avait une grande demeure
entre les arbres colorés d’octobre
aux murs saumon aux volets verts
si la limite basse des nuages
se noyait dans le haut des
arbres.
si on avait quatre jeunes enfants
courant dans les escaliers ou dormant
dans les chambres jouets en désordre
si on avait même une bonne –
dont la chambre serait un espace
interdit
le seul de la maison entière –
que les enfants auraient parfois entrevu
à travers la porte bleue entrouverte
un lit une armoire à glace
un chemisier posé sur le lit
froissé.
tandis qu’ils l’appellent timidement
et aussitôt elle apparaît, cache tout.
c’était le début du siècle
elle avait grandi dans la demeure
elle aimait les enfants, n’en
aurait pas.
abri
une maison de pierres sèches
une ancienne porte condamnée, une fenêtre haute
une statue de la vierge ou d’une sainte quelconque, plus loin
sous une falaise et des buissons en surplomb
pas de ciel
une étrange construction métallique, grise aussi.
la falaise est faite de la même pierre, sur laquelle la pluie a dessiné des flammes puissantes et noires. on devine de quelle façon chaque bloc après bloc s’est effondré, il y a très longtemps, par le relief en creux qu’il a laissé. La petite maison (ou la chapelle) est comme tranchée elle aussi, on dirait qu’elle a perdu la moitié d’elle-même, ou qu’on a oublié de la construire, ou qu’on n’avait pas assez de temps et d’argent.
mais la ligne inclinée de son toit prolonge l’oblique d’une faille, derrière elle.
le lierre semble couler de cette pente.
la statue a la tête inclinée
du même côté.
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