bagnoles
par claire le 11 avril, 2012
un souvenir sans importance
chaque fois que je conduis sur une route à lacets je revois tes bras bronzés
tes ongles grenat un peu écaillés tes mouvements liés, ronds et amples
accordés à cette route sinueuse sous le ciel.
comme si ses courbes étaient les tiennes, tes bras et tes bracelets ses serviteurs,
tes gestes sur le levier de vitesse, rituel, cérémonie ironique.
le défi de l’horaire du dernier bateau si précisément rempli
et cette soupe de musique classique arrangée
que nous avons écoutée silencieusement avec toi
pendant ce trajet de trois quarts d’heure.
tandis que la route sarde grimpait et descendait
d’un flanc à l’autre des montagnes,
jusqu’au port,
quand la fumée très lointaine d’un volcan islandais
avait nettoyé le ciel de tout avion.
et ce ciel sarde était si pur, juste à l’extrémité nord de l’île,
où le dernier bateau faisait ses derniers préparatifs
(ton rire satisfait à l’arrivée, à 5 minutes près,
et devant mon compliment ta petite phrase française
sur cette route « terrible »).
j’ai oublié la tension mais
je retrouve tout cela à chaque route sinueuse
quand mes propres bras, mes mains, jouent à être toi – femme taxi.
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vanishing point
chaque fois que je conduis sur une route très droite,
je pense à lui, dans ce vieux film des années 70
le désert blanc de chaleur et de sel, les serpents à sonnettes,
deux yeux rougis d’amphétamines.
un barrage qu’on force, une radio où un vieux noir jubile
voix rauque et colère comme une nappe
de rire. puis un trou qui s’ouvre
dans l’écran éblouissant de l’horizon.
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tableaux
chaque fois que je rentre dans l’arrière d’un camion je vois son essieu
gris venir vers moi comme un tableau moderne
abstrait, posé contre un mur nu.
quand je percute un muret de ciment je vois les arbres noirs derrière
le gouffre offre un baiser silencieux
pour moi ou pour le ciel comment dire ?
et je vacille je tends à revenir en arrière
oscillant et vibrant encore
je m’arrache.
2 comments
Nous sommes tous imprégnés d’images, images vécues, images de cinéma, et de gestes universels, gestes copiés, langage du corps, patrimoine commun à l’humanité, ces petits gestes comme les racontent bien Milan Kundera dans « L’immortalité ». Parfois on se met en scène, parfois les autres se mettent en scène, involontairement, mais nous regardons la vie des autres comme un écran.
J’aime bien ce triptyque, et son fil conducteur 😉
by Christophe on 26 mai 2012 at 20 h 00 min. #
oui, moi aussi je l’aime bien. J’ai aimé surtout la sensation que j’ai éprouvée en l’écrivant, de m’enfoncer de plus en plus profondément dans une vérité obscure.
by claire on 6 juin 2012 at 10 h 42 min. #