Claire Ceira

Limbes

par claire le 17 mars, 2014

1

parfois s’ouvrir – comme fait une écaille – dans des mains
paraître vraiment avec ses os, dans les lumières
qui balaient, en franges d’un bleu pers
– cils sur les yeux baissés –
le bord du tableau
violet et taché d’ocre

dans le silence, le long d’une main
dans l’eau
et sous la frange inférieure des arbres et leur ombre

…..

se voir maintenant détaché suivant un plan
qui monte et descend, celui des marées.
Je suis sur la plate-forme, perlée de vase,
ouverte comme un œil, béante
ouverte sur un dieu obscur
– dans l’oubli des heures, petite cellule
perdue sous l’œil du jour.

…..

Ayant renoncé aux os et aux coques, on voit bien clair tout ce qu’on a évité
ou perdu
on voit ce que jamais on ne voyait avant :
comment glisser du bord des pensées
ou des rives, pour s’évaporer.

être pareil à un enfant
sous le ciel blanc des pays durs.

2

quelque chose passe au bord des cimetières, que les enfants sentent.
ils ont leurs petits jeux, leurs pas sur le trajet, et suivent le bord du trottoir
où se tient un homme très grand – la lumière du soir glisse sur ses lunettes,
cachant ses yeux.
Les petits enfants n’ont pas de temps à perdre, un pied en haut
l’autre dans le caniveau mouillé
ils arrachent en passant des bouts de plastique
et glissent leur regard entre deux grilles,
glissent leurs joues entre le froid des tiges de fer,
l’eau coule sur les tiges noires.

l’homme pivote sur ses jambes, ne voit rien
de ce qui stagne ici au bord des grilles
sous leurs pointes et le long du ciment des tombes
ni le long des rameaux, des arbres nus, des écorces
il est perdu derrière ses lunettes (une seconde marquées d’or).

les enfants s’arrêtent
parlent entre eux un instant, puis partent.

3

on va ainsi, les yeux pris dans la beauté des lumières, dans le ciel comme une tapisserie pendue on a les yeux levés vers les arbres, leurs tiges fines, leurs rangées
comme des foules debout sur le fil de l’horizon, dans leur immobilité.

et je te retrouve toujours le long de la même route, soufflant sur la plaine, encore pris dans l’échange.
tu es comme une foule, venant depuis l’autre côté, dans des ondulations – passant le seuil.
martelant une pluie sur le toit de la véranda
tissé dans le fil du temps, dans les heurts des jours
tu t’introduis.

impression d’être couché sur le flanc – comme un navire s’étend sur le lit des sables
un navire étend ses jambes – dans son sommeil – laisse entrer
à travers chaque pertuis marqué de rouille le plasma des eaux (longues traces verticales, roux sur fond gris)
tu poses la main sur sa coque lasse.

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