Claire Ceira

3 poèmes

par claire le 8 juin, 2015

1 : deux temps

la beauté de la rangée d’arbres
quand on conduit avec le soleil dans le dos
sur une route un jour d’automne
rayons rasants, troncs droits
tous alignés, élevés.
on suit les courbes, les plateaux et les collines
on descend dans les fonds.
on ne peut pas écrire le poème parce qu’on conduit
les arbres luisent dans le soleil derrière
avec leur rectitude et leur monotonie (parce qu’ils ont été plantés ensemble)
mais quand même leur beauté :
arbres, images d’arbres sur le ciel veiné.
la route est grise et suit une courbe tracée depuis des siècles.
On atteint les faubourgs, l’hypermarché comme un grand corps inconscient, vibrionnant
on descend dans la ville
maisons, briques semblables aux points d’un tricot
on arrive en bas de la rue
dans la maison où l’on peut écrire.

on voyage dans le mouvement des mots.

.

2 : esprit

je progresserais,
les bottes depuis longtemps remplies d’eau
aspirées par la boue
voûte au dessus : feuilles, branches, lianes
pluies brutales et cris – de nuit et de jour.
les herbes m’auraient coupée, brûlée, salie de leur jus
enfermée
m’auraient envahie de l’odeur de leur pourrissement.
animaux grands, munis de dents, ou furtifs, petits, parasites
ils auraient été inconnus et indifférents
(se seraient glissés dans mes vêtements, même sous la peau
m’auraient piquée seraient morts dans ma sueur).

sans savoir où aller, où dormir
(ni le haut des arbres
ni le sol spongieux ni aucune cabane
ou tente ou espace sec au pied des grands arbres).
titubante et avançante
tournant en rond dans la chaleur étale, la vapeur des jour et des nuits, la pluie tombant jour et nuit.
aucun fruit n’étant sûr, et les provisions réduites.

ainsi menacée de mort, et perdue

alors derrière les arbres
l’esprit saurait toujours comment s’élancer
grimper et voler
l’esprit, saurait toujours où je me trouve
et la lisière verte – la grande route
qui mène au village de bois, au feu de fumée.

.

3 : espaces

sur le drap blanc du monde. sur le lit
dans le cadre de la fenêtre. dans la plongée de la fenêtre
encerclée.
sur le paysage.
et dans le paysage ce mouvement
d’une ligne d’oiseaux, qui s’en vont.

sous mes pensées. sous mes rêves
sous mes paupières
dans ma cave éteinte. dans le sens de mes rêves.
dans la sonnerie de mon réveil. dans le clou du moment de mon réveil.
dans la réalité de la chambre.

en haut de la rue. en haut des mâts, vibrante
électrique comme un vent froid
en haut des mâts sans drapeau
dans une chanson chaude.

dans ce qui est dit. en dessous de ce qui est dit
dans l’arrière-cour
dans la coupole mouvante du diaphragme, quand on parle
sous le corps, derrière les corps appuyés
dans le volume des pièces.

dans – et sous – l’absence,
toujours un peu en arrière

dans cette pièce
et
à travers l’espace
dans cette ligne d’oiseaux.

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