FORÊT ALLEMANDE

Pour ma parente Anna P.

Je fais souvent le rêve d’une forêt allemande
Dans un flou noir et blanc
Je prends un sentier bordé d’un muret
Au-delà le flou des deux couleurs
Passe en une sorte de magma atmosphérique

A vrai dire ce n’est rien qu’un souvenir transformé
Mais ce souvenir est une bobine précieuse
Où se déverse un rare condensé de vie
Quelle est cette vie
Une immense suite de scènes et d’impressions
Je pense que ça doit être soi
Réuni dans le plus ténu des cristaux

Ce cristal de la mémoire, enfoui sous des tannées de sommeil
S’ouvre et carillonne comme les narines anesthésiées du monde
L’odeur spirituelle du condensé de toute une vie
Qui se dilate, façonne des images mouvantes et des décors
Des symboles flous

Cette neige et ce noir des arbres
Ce sentier m’amène aux plus lointaines cartographies psychiques
Sa fonction curative me réconcilie avec un trouble lointain
C’est moi qui l’aie révélé à la conscience du sommeil
Pour qu’il atteigne de ses bras de chantre
Et ses impressions démiurgiques
Le léger pépiement d’un oiseau absent
Installé dans la forêt salubre, belle et expressive

Je m’aperçois que je n’ai rien dit de ce chemin que je prends
Ou d’un flanc de vallée un peu plus loin
Le mystère me permet d’analyser son apparition
Mais aucun terme précis ne dit ce que cela me fait
Il faudrait connaître mon histoire personnelle avec une précision chirurgicale
Pour situer l’emplacement de cette forêt atmosphérique noire et blanche

Non, le mystère est impénétrable car c’est ce que j’ai senti
Dans ma prime enfance
L’enfance du monde cache le monde
Le monde lui ne cache rien

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