Le souvenir que j’ai de ce rêve, récurent à l’envie, c’est cette si nocturne, si mutique route de nuit, à la périphérie, que je dois prendre, que j’aimerais prendre si je pouvais me le permettre, et qui mène vers des puits, tangibles et inexistants à la fois. Océan de calme et de silence, réduit à un abandon fixe, cloué dans la terre meuble sans qu’aucune balise ne puisse envisager un retour. Cette route méditerranéenne nocturne, c’est le Chemin de la plaine des Dés, que j’ai souvent pris vers mes dix huit ans. Ce chemin de désert de soleil, de goudron agressif, de lignes ferrées et d’insectes grésillant le jour, pourquoi seul son pendant nocturne me vient en rêve ? Je l’ai pris aussi la nuit, et m’y suis empêtré en pleine nuit autant que le jour, mais le rêve ne retient que cet oxygène qui me manque, ce passé-sous-silence de la nuit. De mystérieux liants me ceignent et des silences comblés à peine menaçants, des appels germaniques peut-être, en plein climat méditerranéen. Ce chemin (qui est en fait une route) je ne le prends jamais en rêve, sa côte semée de pins et de cyprès dans un air du soir tétanisé je ne peux pas y pénétrer. Peut-être que la pression y serait trop forte, possessive, pétrifiée. Je refuse de le prendre, et je sais bien que la grande route qui le longe n’a que peu d’intérêt.
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