Mojave ghost.

T’AS PEUR DE CE QUI EST PUR

T’as peur de ce qui est pur
Ah si seulement c’était ingénieux
Peur de ce qui est pur (de ce qui est pur)
Ça ne présage rien d’ordinaire
Peur de ce qui est pur
C’est bien mieux que ce que tu crois
Peur de ce qui est pur

T’as peur de ce qui est pur
Ça change en permanence
Peur de ce qui est pur
Ça part dans tous les sens
Peur de ce qui est pur
Ça laisse des traces indélébiles
Peur de ce qui est pur

Avec ça il faut souvent réfléchir, ça pèse parce que c’est beau
Obéir à des désirs altiers et s’adapter à l’autre
Tu comprends pas, c’est tellement précis
Comme si t’avais bu de l’ambroisie, comme tous ces gens devenus idiots
Les purs, ils respirent dans les flots

Ils sont bien plus subtils que Shakespeare
Ils ont de petites cornes sur le crane
Jouent les méchants, cachent un rire, des edelweiss dans le dos
La belle cantatrice, ils sont partout
Tu sens monter le flot aux tempes
Tu dis ça, t’es pas froide mais c’est pas des gens comme il faut

Ca va pas leur suffire de les séduire, leur offrir des vocalises
Ils vont venir te faire souffrir
Tu sais bien qu’ils veulent ce qui est beau
Pour toi ni mensonges, ni lapins
Mais un coup de vers bien en place
Tu imagines le calvaire
Si en plus ils sont sincères

Le choix du rêve.

On ne m’aurait jamais violé que ce monde eut été vrai, on ne m’aurait jamais touché que je serais passé par la frontière, que j’aurais puisé aux lumières la vérité de l’instant, qu’il aurait fondu dans l’éternité, qu’il n’y aurait rien eu. Aurais-je rêvé ? Aurais tué une chose pour qu’un désir prenne forme et se déstabilise, meure dans l’éternité savante et grossière, et ne puise rien en lui et ne draine plus rien, pour résister aux traverses, aux éléments échoués, à toute la matière. Il se serait élancé, il se serait greffé à des grèves, il serait mort et on n’en aurait plus parlé.

Ou alors je me serais réalisé !

Le pré.

Parler dans le tunnel qui n’embrasse plus aucune
Source de poésie que la parole sans tutelle
Le signe touche le plus brave des fléaux
Et le clocher de ma résurrection
Parle dans l’instance qui touche à l’engeance
Pilosité sauvage et rousseurs des dés
Les belles qui transpirent dans les prés
Des nerfs hallucinés et des pentes

(26.09.23)

B.

Le président de Groland incarne le mieux ce qu’est un président : à savoir quelqu’un qui préside une nation. Et quelle nation unie et forte que celle de Groland, quelle cohésion, quelle stabilité, quel ensemble harmonieux et quels idéaux communs et partagés ! Quelle unanimité, quelle qualité de vie, quelle connivence, quelle fraternité, quelle sincérité, quelle absence de démagogie. Groland n’est pas une parodie, c’est un rêve réalisé. Ce pays est merveilleux ! Et quel génie de comprendre que c’est dans la fatalité qu’on est uni, quelle grandeur, quelle profondeur de ne pas désirer au-delà du possible, quelle honnêteté, quelle dignité ! (humour)

Encore du Brueghel quelque part. Ah si Brueghel avait été Français, combien il nous aurait apportés, c’est l’éternel maillon manquant des illusions du progrès. Il nous aurait guidés vers l’hermétisme populaire, comme ce que voulait ce bon vieux Hegel dans le fond, qui après nous avoir éclairés sur la notion de contenu dans la préface de son oeuvre majeure, la conclut étrangement et presqu’incompréhensiblement en disant que la population doit être faite de pions sur des échiquiers. Idéalisme, radicalisme allemand.

Vous avez remarqué aussi que Kirsten Dunst observe hypnotiquement des oeuvres de Brueghel dans le Mélancolia de Trier, oui Brueghel montre la mort, mais il montre aussi la sublimation, le noir et le blanc, même avec des couleurs chatoyantes. Il montre parfois des paysages de rêves, nocturnes, bien que séraphins et colorés, un monde décharné mais vivant et sans souffrance, ce monde perdu de l’absence de désir, ce monde unique de la fatalité que perçoit Kirsten avant de mourir : oui voilà qui nous sommes. Des pions, des paysans, des pauvres gens et voilà où nous retournerons, une fois avant de mourir, voilà ce que nous perdrons, ce monde minéral autant que vivant. Elle ne pleure pas le monde qu’elle a connu, elle se tourne vers l’homme, vers ce qu’il a été, et vers ce qui ne sera plus, car ce qu’elle a vécu, elle se rend compte que ce n’était rien, et que la mélancolie l’avalera.

Ah Brueghel !

PAYSAGE

Je n’ai pas envie de parler
Je suis gelé dans un hiver pluvieux qui n’a plus
Aucunes entrailles en lui mais des météores
Glaçants qui tordent un bien-être qui m’aurait surement
Qui aurait pu contenir le monde à lui seul dans des fenêtres
Dans des alluvions et ce seul refrain solaire des éléments
Ils glissent ensemble dans une union qui aurait pu advenir
Et dans les hêtres qui s’entretiennent

(20.05.23)

LES TOURS

Quand tu me fais monter des escaliers je pense
Parfois être un universitaire
Avec des cheveux dans la neige
Je pense aussi être un pensionnaire
Mais sans que ce soit un film pour enfants
Je pense que peu de choses me conviennent
Mais des tours individualisées

(16.05.23)

CALVAIRE

Tu vas y arriver dans ton calvaire et ce ciel gris en frayeur
Cette nappe d’angoisse est le meilleur car détresse est bonheur
Rien ne pourra sortir comme sang des plaies, rien ne meurt

Dans la dense figuration de tes traits : tu ne peux mourir
Car il y a les mille effrayantes amours et lumières
Et ténacités de la vie derrière

Et dans le sol encore et presque autour
Tout est devise derrière ces croix qui sont les grands axes
D’une si subtile mémoire qui te traverse

(Tu devises sur les forfaits que tu vas faire. Quelle boule
Vas-tu obnubiler jusqu’à défaire les vagues et ranger
Dans les délicates atmosphères les névroses qui t’obtiennent
Je vais tuer cette circulaire, cette petite plage artificielle)

Le béton sera plus chétif que naguère
Les premiers jours où ce soleil de colle
S’est mêlé aux modernes supplices

Je vais longer la côte de ce réglisse
La lumière n’éclairera plus ce visage
Mais ce qui subsiste de la lente

Ce qui existe dans les affres des amours

(Composition du 22.05.23)

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Découpes (pour T.)

Ce sont de légers arbustes qui nous dominent
Ils crient famine, regardez-les
Ils manque des éléments à leur synthèse

Ce sont des congénères de sable, des éléments
Portés par le dessous et le dessus
Ce sont des cœurs et des pubis

Les jambes de la nature évoluent, sur les crêtes
Les serpents roucoulent et les petites bêtes
Sont des talus de toujours

C’est une vie qui a pris la terre dans un désert de flammes
Dans une femme et dans la comète
Elles ne touchent ensemble que de petites arêtes

Et découpent les tranches du sang de cette vie
Le cœur d’une volière qui passe
Dans les sables et les vents

Les domaines où rien ne présage que lézards
Grands squelettes et chairs posées
Sur les immanences du ciel.

Ce tableau est probablement celui dont la signification me fascine le plus.